Aujourd’hui, je soulève un sujet technique plus polémique qu’il n’y paraît : l’emploi d’encres végétales lors du processus d’impression offset : de nombreux imprimeurs engagés dans la défense de l’environnement les présentent comme une solution éco-responsable. Ces encres réduisent-elles réellement l’ensemble des impacts environnementaux ?
Tout d'abord, il est important de connaitre et comprendre la composition des encres d'imprimerie : celles-ci sont composées de pigments (10 à 30%), d’un véhicule (30 à 70%), de résines et d’additifs. Le véhicule est le composant qui nous intéresse ici : il s’agit d’une huile qui transporte les pigments du rouleau d’impression vers le papier et les dépose pour refléter la couleur souhaitée. L’origine de cette huile peut être soit minérale (pétrole), soit végétale.
En quelques années, les encres végétales sont montées à 60% de part de marché de l’offset en France grâce à trois avantages :
- de grandes qualités d’utilisation (fluidité, stabilité, qualité du transfert des couleurs),
- un surcoût relativement faible (de l’ordre de 10%)
- une première image de forte éco-responsabilité (ressource renouvelables, réduction conséquente des émissions de COV (les Composé Organiques Volatiles sont des particules toxiques émises dans l’air et nuisibles à la santé des personnes travaillant dans les imprimeries) et meilleure biodégradabilité).
De plus, ces nouveaux procédés permettent de réduire notre dépendance aux hydrocarbures, un enjeu fondamental de nos sociétés « modernes ».
Deux catégories d’inconvénients me font cependant réagir
D’une part, l’agriculture à usages industriels comporte un certain nombre de points négatifs qui l’éloigne d’un modèle de développement durable (je me réfère à la déclaration de Rio 1992) : la culture des plantes qui servent à la production de ces huiles se fait régulièrement au détriment des cultures vivrières (superficie limitée des terres arables), sous forme de monoculture intensive (usage conséquent d’engrais, herbicides, fongicides, etc) et éventuellement d’OGM potentiellement invasifs. C’est le même problème que pour les agro-carburants : une idée séduisante dont les inconvénients risquent d’être supérieurs aux avantages !
Le deuxième inconvénient me semble plus grave pour la globalité de notre éco-système : l’huile de palme est employée –en proportions inconnues - pour fabriquer ces encres ; or la culture de palmes à huile est une des activités humaine qui détruit le plus les forêts primaires d’Asie du Sud-Est. Ces forêts sont un enjeu majeur de préservation de la biodiversité animale et végétale : malgré la proportion assez faible de l’usage industriel de ce produit face aux usages alimentaires, la promotion de des huiles végétales sans spécifier leur origine a donc de graves conséquences sociales (renchérissement à terme des prix alimentaires) et environnementales (pertes graves de la biodiversité des forêts primaires ; réduction du facteur puits-carbone de ces forêts).
Solution : demander l’origine et la composition des huiles végétales.
Liens
- La composition des encres offset : http://cerig.efpg.inpg.fr/ICG/Dossiers/Encres_Offset/page06.htm (même daté, le site du Cerig est d’une grande précision)
- Une analyse détaillée sur le bon usage des encres : http://www.leplaisirdupapier.com/newMakingPaperFun/files/d9/d9101e23-7a31-43c0-8169-15f04fa46732.pdf
- L’inévitable Wikipedia du sujet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Encre
- Les explications d’un petit fabricant français très concerné par l’environnement : http://www.brancher.com/-Les-encres-Offset,178-.html?lang=fr
- Le point de vue d’un imprimeur engagé (Imprim’vert et Iso14001) : http://www.pure-impression.fr/lesaviezvous/encre.pdf
- Le dossier de Terraeco, un magazine sur le développement durable qui n’utilise que peu d’encres végétales… : http://www.terra-economica.info/A-la-poursuite-des-encres.html
- Les informations de l’Etat sur le site du MEEDD: http://www.ecoresponsabilite.environnement.gouv.fr/fiches.php?act=3&id=25&prod=92&carac=88
- La page du guide des déchets industriels consacrée à l’imprimerie : http://www.arecpc.com/guide/dangereux/imprimerie.html
- La présentation critique par l’éco-blog de l’imprimerie Villiere : http://blog.imprimerie-villière.com/2009/09/encre-vegetale-ecolo-imprimerie/
- La fabrication de l’huile de palme : http://www.cirad.fr/publications-ressources/science-pour-tous/dossiers/palmier-a-huile/ce-qu-il-faut-savoir/transformation
- Une discussion critique sur les encres végétales dans un forum d’infographistes (parle notamment des OGM et de la compétition sur les terres cultivables) : http://forumde.lalogotheque.com/index.php?showtopic=18380
- Le dilemme selon le site de discussion paperblog : http://www.paperblog.fr/3476546/encres-vegetales-ou-minerales
Présentation des impacts de la culture du palmiste dans le monde (25% de l’huile végétale consommée dans le monde contre 24% pour le soja) http://www.notre-planete.info/actualites/actu_2219_huile_de_palme_deforestation.php
Le lien et le commentaire de eco-sapiens, un bon site d’achats éthiques, vers le film Green qui montre les impacts de la culture de palmiers à huile en Indonésie
Un débat intéressant sur l’huile de palme http://evolutionnaire.free.fr/palmebio.php
La situation en Indonésie par Greenpeace http://forets.greenpeace.fr/sinar-mas-echoue-a-reverdir-son-image
Un exemple trouvé sur Cerig qui permet de comprendre la complexité des boucles et dérivées en matière d’impacts environnementaux
Duane A. Tolle et David P. Evers, National SoyInk Information Center, 1998 |
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Dans le cadre de l'amélioration des encres vis-à-vis de l'environnement, les fournisseurs d'encres proposent actuellement des formules contenant des huiles végétales, issues de ressources renouvelables à la place des huiles minérales. Aux États-Unis, c'est l'huile de soja qui est privilégiée étant donné l'étendue des cultures de cette plante. Dans le but de promouvoir ce type d'encres, le "National Soy Ink Information Center" demande à l'institut Batelle (Ohio), avec l'aide de la GATF, d'élaborer un inventaire des besoins et des émissions d'une encre type à base d'huile de soja et de conduire une étude d'impact. Les objectifs sont donc d'évaluer les impacts liés à tous les besoins et leurs procédés de fabrication et d'en identifier les impacts environnementaux . Étude Résultats Cette étude a permis de mettre en avant les points importants suivants : sur l'ensemble de l'énergie nécessaire lors du cycle de vie d'une telle encre, la culture du soja n'en consomme que 0,5 %, les résines de tall-oil sont principalement responsables de la réduction de la couche d'ozone, les rejets atmosphériques sont dus majoritairement aux combustibles fossiles, quel que soit le type d'encre. |
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